En traversant la création

La lettre de nouvelles de l’Atelier des Prés qui ouvre au désir de créer comme on joue.

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Par atelierdespres
11 févr. · 4 mn à lire
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Art et Expression Créatrice

Confidences

J’ai fait des  études  en Arts Plastiques aux Beaux Arts où j’ai durement senti le poids de la critique, des évaluations dans ce qui était attendu de nous, les étudiants à ce moment là. Je voulais réussir mes années et je me sentais très anxieuse dans mes inspirations qui pouvaient, je le craignais, me mettre en grande difficulté émotionnelle face aux jugements et aux  regard des censeurs, ce que je voyais arriver régulièrement pour un certain nombre de mes camarades …  

je cherchais les moyens d’« y arriver » … afficher un résultat épatant mais en voulant prendre des distances avec ma sensibilité pour me protéger des jugements, des évaluations, tout en désirant secrètement affirmer avec force ma singularité insaisissable… 

Je me rappelle de ce conflit interne, de mes atermoiements  comme d’une vraie souffrance (même si bien souvent « je m’en sortais ») sans réaliser vraiment  alors que c’était ce cadre là, très scolaire finalement, qui ne me permettait pas de suivre mon réel besoin d’expression, de rencontrer mon inspiration simplement, parce qu’il exigeait le résultat en priorité et était basé sur des évaluations, des jugements et des comparaisons. 


Ce n’est que plusieurs années plus tard, lorsque, professeure d’Arts plastiques, il me semblait avoir épuisé mes ressources pour inventer la liberté dans mes cours avec mes élèves que j’ai ouvert une porte dans ma réflexion et ma pratique de l’art en découvrant

les Ateliers de l’Art Cru, cette formation génialement inventée par Guy Lafargue, docteur en psychosociologie clinique à Bordeaux.

Son concept d’expression créatrice, en utilisant les langages plastiques, a priori éloigné de la culture de l’art et plutôt proche de l’art thérapie, s’est révélé pour moi comme la possibilité inespérée d’un dégagement radical de toutes les injonctions à créer pour réussir, pour s’exposer, car la posture à laquelle on était invités pour créer était simple : aller vers son besoin de s’exprimer. 

Dans un cadre sécurisant, généreux en matériaux à disposition, avec un regard accueillant sur la personne et ce qu’elle traverse en créant, sans volonté d’exposer un résultat pour lui même, avec une attention réelle au processus de création vécu.

La création est redevenue une aventure à portée de mains (!). Créer pour soi et non pour montrer m’a passionnée. Ma soif de liberté dans la création appliquée à moi même est devenue exaltante .


Tout cela me redonnait confiance en moi. À la lumière personnelle avec laquelle je m’éclairais déjà sur les œuvres des artistes que j’aimais inconditionnellement tous, venait résonner un écho supplémentaire : celui de me sentir  en famille en les regardant… comme une petite sœur. 


Créer en inventant, en s’aventurant, en osant affronter le conformisme

Se sentir libre dans ce territoire là, au milieu des autres, qui créent aussi

Un monde où se réfugier mais aussi se développer sans autre contrainte que ses propres limitations ! Et de ses limitations se faire un questionnement en les exprimant, en les traduisant, en cherchant leurs formes, leurs densités …

Un monde ouvert, surprenant, sans les contraintes ou les conséquences du réel. 


M’adresser à d’autres qui créent, accueillir ceux qui le souhaitent, qui en ont envie, c’est quelque chose qui me tient à cœur pour partager ce qui est « à portée de mains » !  

Entendre aussi ceux qui en ont peur, peut être parce qu’ils s’en font une haute idée, ou parce qu’ils ont été négativement jugés.

Cela je peux le comprendre .

Dans les idées reçues et il faut bien le dire dans la majorité des cas, les ateliers d’arts plastiques sont des lieux d’apprentissages de techniques ou alors d’expressions libres mais … avec modèles.

Les artistes peuvent être inspirants , et l’envie de nous rapprocher d’eux 

peut donner envie de les imiter, de copier leurs œuvres.


Mais à l’Atelier, nous avons pris le parti de laisser chacun et chacune d’entre vous inventer son monde.


À l’Atelier, la porte que nous ouvrons sur l’art est celle qui fait place au jeu de créer, d’expérimenter, de pratiquer, de s’ aventurer, de se hasarder avec l’ argile, les peintures, les pastels, les papiers, les crayons, les plumes, les tissus, les laines et rubans, le bois, les trucs et les bidules … tous mis à disposition comme des langages  pour s’exprimer en laissant parler ses besoins, ses envies…

Exister dans la posture de celui qui ne vise pas un résultat en priorité mais qui s’ouvre  d’abord au désir de s’autoriser, de se familiariser avec les possibles que ses mains et son esprit vont conjuguer tout en s’inventant ses propres règles du jeu pour créer. 

Entre adresse et maladresses, compétences et inaptitudes, volontés et hasards apprivoisés, va se construire une façon de faire, va cheminer l’élan qui ouvre à une liberté plus grande pour envisager et vivre dans cette traversée de la création, la sienne, dans la confiance.


S’autoriser à suivre ce qu’on a besoin d’exprimer dans des langages plastiques, même ce qui nous déroute ou nous trouble, est une expérience peu commune, personnelle, riche en découvertes.

Poursuivre ce qui nous prend ou nous surprend par sa couleur, son tracé, son modelé, sa texture,… , laisser ou non venir une histoire à son propos, décider sans contrecoup d’une direction à donner, se suivre intuitivement sans raison devient un processus de création de l’instant présent, développe un instinct de justesse, devient une liberté.


Celle que cultivent les artistes.

Et rencontrer l’art par ce biais là est une merveille tout à fait savoureuse ! 

PROCHAINS ATELIERS pour les ADULTES

JEUDI 15 FÉVRIER — 14H - 16H

VENDREDI 16 FÉVRIER — 14H - 16H

SAMEDI 17 FÉVRIER — 9H - 17H repas partagé sur place en auberge espagnole

tarifs : jeudi , vendredi : 22€ ou 17€ en s’abonnant à 6 séances — samedi : 60€ ou 51€ si abonnement à 3 sameditarifs : jeudi , vendredi : 22€ ou 17€ en s’abonnant à 6 séances — samedi : 60€ ou 51€ si abonnement à 3 samedi

PROCHAIN ATELIER pour les ENFANTS et ADOLESCENTS

VENDREDI 16 FÉVRIER — 18H-19H30

RÉSONANCES PROCHES ou LOINTAINES

Cette rubrique est ouverte à vos témoignages.

Elle accueille ce mois celui de Marie Jo, qui crée dans son propre atelier et à l’Atelier des Prés.

Nous espérons que son partage vous touchera autant que nous sur les œuvres de

Simone Pheulpin,

sculptrice, designer textile française née en 1941 à Nancy,

dont les oeuvres en coton sont les fruits d’un savoir-faire et d’une technique toute personnelle selon laquelle elle modèle par le pliage des sculptures organiques, composées de strates, failles et concrétions.


« Au premier regard sur ses œuvres, j’ai d’abord été subjuguée par le matériau employé, le tissu, j’ai seulement vu ensuite les sculptures !

Ce tissu acheté au mètre, blanc immaculé me rappelle : 

les draps, lourds, rugueux, agréables en été par leur fraîcheur, les broderies du trousseau de nos mères, le sang des règles, de la virginité, les draps qui claquent au vent en séchant, le linceul, les langes des nouveaux -nés, les torchons, les serviettes de toilette, les nappes blanches de fêtes…

En résumé le tissu blanc autrefois qui rythmait toute une vie.

Nos enfants ne connaissent plus ce temps où il fallait toujours nettoyer et rendre ce tissu propre d’où pour moi synonyme de souffrance, d’esclavage parfois pour les femmes, car il fallait aussi non seulement le blanchir, le repasser, amidonner, plier, etc

mais j’ai toujours le plaisir de regarder de toucher ces tissus en lin, coton magnifiques…

Double facette / souffrance dans les tâches quotidiennes mais aussi implicitement les souffrances des femmes, en particulier les viols des nuits de noces … maladies, maternité, fausses couches

Et madame Pheulpin en a fait des œuvres d’art extraordinaires, inventives, surprenantes, belles qui nous rappellent quelques fois un coquillage, une pierre, il y a de l’organique, du mouvement, de la poésie

et tout cela maintenu avec des épingles à tête !!! La performance en elle-même est forte, du point de vue pratique c’est judicieux et qui plus est ces épingles sont invisibles !

Son travail a l’air solide et peut traverser le temps. C’est absolument fabuleux, car avec deux matériaux elle réalise des sculptures dignes de grands artistes. Modestement, simplement elle est grande.

Et je ne peux m’empêcher de sourire en pensant « aux petites épingles qui piquent le tissu » !!! et vengent toutes les femmes qui ont été blessées et ont souffert  avec « ces linges ».

Dans mes réflexions et réactions par rapport au travail de Simone Pheulpin, il y aurait tant de choses encore à dire… sur l’importance du tissu de sa fabrication à travers les siècles et de son utilisation.

Je pense aux tableaux des grands maîtres aux sublimes drapés, à la religion catholique avec les voiles des saintes femmes, du linge de Véronique essuyant le visage du Christ …

Les artistes en général utilisent une toile de lin tendue sur un cadre. Ce tissu est agrafé tendu rigide, embelli ou pas par des couleurs, Simone par contre le façonne, l’enroule, le plisse, le dorlote et lui donne la forme qui lui convient,

à elle ».

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