Au lieu de penser la création, laissons-nous penser par la création
Voici ce que disait Guy Lafargue* dans un entretien avec Julie Guenedel en 2011 : « Le langage de la création, c’est de parler avec les mains, le corps. Ce n’est pas le langage en mots. Il s’agit dans le fond de laisser les impulsions, les émotions, les affects, diriger le mouvement des mains, du corps. Et puis tout d’un coup, on va s’apercevoir que la forme nous devance, devance notre pensée, fait en quelque sorte effraction à travers le maillage de nos peurs et de nos résistances, pour autant que nous leur accordions du crédit. La création, c’est un mode de pensée originaire, archaïque »
Comment ne pas parler de cette formation à l’Art Cru généreuse, aussi originale qu’érudite qui m’a instruite par l’expérimentation, le jeu de la représentation, dans la découverte de mes territoires intérieurs sombres autant que lumineux, pour me former à l’Animation d’Ateliers d’Expression Créatrice.
J’avais le désir de rencontrer, dans l’art, des gens vivants, sensibles, réfléchis, s’intéressant plus au processus de création qu’à une recette de réussite, qu’à l’obtention d’un résultat fixé ou qu’à l’ordre donné par une pédagogie que je jugeais manipulatrice dans l’enseignement des arts plastiques que j’exerçais.
Cette formation destinée aux institutions éducatives, psychiatriques, pénitencières, engendrée, tricotée, écrite, publiée et proposée par Guy Lafargue, génial et atypique forban dans les domaines psy. de l’expression et de l’analyse, m’a retournée.
L’expérience que j’en fis il y a plus de trente ans a métamorphosé ma pratique et ma vision de la création en une possible vivante et souveraine expression de soi dans les langages de l’Art.
Privilégier ce chemin, rendre à l’inspiration sa force, sa vigueur intrépide, son courage, en s’appuyant sur le désir d’expérimenter qui vient avec les matériaux offerts présentés en libre accès, en s’autorisant à faire fi des évaluations, des jugements et des comparaisons dans un groupe qui crée…
Ce fut comme une révélation qui m’autorisait à rendre mon âme à ma création, à me sentir vivante dans mon expression, davantage consciente de ma singularité profonde, enfin, (!) plus proche ainsi des artistes, non pas en tant que faiseurs adulés, génies reconnus mais comme les êtres humains qu’ils sont, et qu’ils étaient, connectés à leur sensibilité, leur histoire, leur imaginaire, leur quotidien, dans ce besoin d’exprimer et de s’exprimer dans leurs langages de création.
L’Atelier des Prés est ce lieu réinventé qui crée les conditions pour y vivre une ouverture, une aventure d’être à soi, dans sa liberté de désirer, d’aller vers ce qui parle, vocifère ou balbutie en soi, pour lui donner corps et vie dans les formes, les couleurs, les volumes, les matières que l’on se choisit ou auxquels on se laisse prendre …
une aventure hors du temps à l’écoute de soi, à la révélation de son univers
ainsi qu’à la découverte précieuse, respectueuse et stimulante des mouvements qui traversent la création des autres.
* Guy Lafargue est le créateur des Ateliers de l'Art CRU et de l’École Bordelaise d'Expression Créatrice Analytique. Il est Psychologue plasticien, Psychosociologue clinicien, Docteur en sciences de l’éducation et membre de la Fédération Française de Psychothérapie et Psychanalyse. C'est un créateur multi-langagier. Il écrit, il peint, modèle l’argile, colleur de papiers, poète, vidéaste opportuniste…
https://www.art-cru.com/museum/lafargue-guy
Il est créateur et conservateur de musée :
https://www.art-cru.com/museum/lafargue-guy
JEUDI 6 AVRIL de 14H à 16H
VENDREDI 7 AVRIL de 14H à 16H
SAMEDI 8 AVRIL de 9H à 12H et de 13H30 à 16H30 Repas sur place en auberge espagnole
Beaucoup d’artistes et plusieurs mouvements dans l’art ont privilégié l’expression de soi. Nous profiterons de cette lettre pour en faire écho, en l’inscrivant ainsi dans cette humanité en nous qui se cherche et qui se vit dans la création.
Aujourd’hui, c’est Marie-Jo, qui relève une sensibilité particulière des artistes du symbolisme balte dans le texte « L’âme Soul » de Konrad Mägi (1878-1925) lors de l’exposition Âmes sauvages**qu’elle avait vue en 2018 au musée d’Orsay :
Konrad Mägi, Paysage de Norvège au pin (détail), 1908 - 1910
L’âme Soul
« Il y a deux voix que l’art peut emprunter pour embrasser la vie.
L’une est large, ouverte, sûre et facile ; l’autre, abrupte, franchit les précipices et recèle des périls mortels. La voix facile est celle de l’intelligence, c’est aussi la voix des cinq sens, qui n’appréhende de la vie que ce qu’elle a de contingent, dans sa morne et stupide quotidienneté. La voix abrupte, celle qui franchit les précipices, c’est la voix de l’âme : Pour elle, la vie est un rêve profond, où se devinent péniblement des liens d’une autre nature, des abîmes, étrangers et inaccessibles à notre misérable intelligence. Ces deux voies diffèrent, car l’intelligence de notre cerveau est celle du quotidien, de la besogne, de la sueur, celle des mathématiques et de la logique, tandis que l’âme, c’est un jour de fête qui ne survient que rarement, c’est ce que ni la conscience, ni la logique ne peuvent embrasser, c’est la louange et la résurrection de l’humanité. Pour l’intelligence, 2 × 2 font quatre, mais pour l’âme cela peut faire 1 million, puisqu’elle ne connaît pas d’intervalle, ni dans le temps, ni dans l’espace. Pour l’âme, l’essence seule des choses existe, sans objet, sans espace, hors du temps. » Konrad Mägi (1878 - 1925)
** Exposition Âmes sauvages. Le symbolisme dans les pays baltes, présentée au musée d’Orsay, Paris, du 10 avril au 15 juillet 2018.